Julien Lafaye
Vétérinaire et Résistant
Mort pour la France
1880-1944

En tenue de  sortie au 138ème R.I.
Paul Julien Lafaye est né le 16 février 1880 à Saint-Etienne-deFursac (Creuse). Il est le fils de Francois Lafaye, menuisier, et de Marie Pignier, tous deux domiciliés au village de Neuville. Dés l'école primaire, il manifeste un tel goût pour les cours que sa famille décide de s'imposer le sacrifice lourd pour elle de lui faire poursuivre ses études. Attiré par les professions libérales, il choisit le métier de vétérinaire qui tient dans la considération des milieux ruraux une place de choix.
En 1899, il entre à l'École vétérinaire de Maisons-Alfort, De novembre 1901 à septembre 1902, il effectue son service militaire au 21ème régiment d'artillerie. Il est promu vétérinaire auxiliaire le 12 janvier 1904. Cette même année, dès l'obtention de son diplôme de vétérinaire. il rentre dans son pays natal et y mène la vie active et rude du vétérinaire rural.
1914-1940
 
Au cours de la guerre 1914-1918, il est affecté comme vétérinaire aide major au 20ème régiment d'artillerie de campagne puis au 26ème régiment d'artillerie. Durant ce conflit, il obtient deux citations. La première, à l'ordre de la brigade, délivrée le 10 mai 1916 porte la mention suivante: « Vétérinaire aide-major d'un zèle inlassable. de beaucoup d'allant et de courage. Les 16 mai et 21 juin 1915 sous un violent bombardement de l'artillerie ennemie a fortement contribué à maintenir l'ordre dans les échelons de son groupe ». Une seconde. citation vient couronner son attitude le 28 septembre 1918: « Au front depuis le début de la campagne, d'un dévouement et d'une conscience absolue, ayant à maintes reprises donné des preuves de calme et de sang froid, a notamment le 30 août 1918 montré le plus grand calme et aidé à maintenir l'Ordre dans les échelons soumis à des tirs ennemis »
Cornedo février 1918 : Maury - ?? - Commandant ?? - Lafaye
La popote des officiers du 20ème à Dainville -?? - Roché -  Lafaye - Delort
A la démobilisation, un de ses condisciples, le Dr Cheneau, lui propose de reprendre son établissement vétérinaire de Versailles situé rue du Parc de Glagny. Lafaye accepte et vient diriger cette maison renommée. Très rapidement, sa clinique prend une extension considérable. II prend un adjoint en la personne du Docteur Georges Holstein(1). Le 27 février 1919, il épouse en seconde noce Hélène Bernard, sa première femme Marie Burdy étant décédée.
Il réalise un important travail sur la mesure de la pression artérielle qu'on appliquait alors pour la première fois en médecine vétérinaire et il créé de toutes pièces l’instrument nécessaire à ces mesures, le zoo tensiomètre qui porte encore son nom. Traité dans une thèse doctorale. ce travail est officiellement consacré par l'attribution du prix Weber de l'Académie Vétérinaire de France.
Utilisation du zoo-tensiomètre par Julien Lafaye et Georges Holstein.
1) Né le 12 janvier 1905 à Versailles, Georges Holstein fait ses études au lycée Hoche de cette ville. Il entre, en 1924, à l'Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort. Sorti deuxième de !'École en juillet 1928. passionné par la médecine de petits animaux, il s'installe à Saint-Cloud et gagne rapidement l'estime de ses confrères et collègues. Soit seul, soit en collaboration, il publie une vingtaine de notes ou mémoires notamment sur la prévention du tétanos chez. le cheval, Certains de ses travaux sont couronnés par l'Académie Vétérinaire. Arrêté par la Gestapo le 22 décembre 1941 et incarcéré à Fresnes, il est condamné à cinq ans de réclusion !e 30 mai 1942, Déporte en A11emagne le 14 septembre 1942, i1 décède vraisemblablement en février- 1944 à la forteresse de Sonnenburg.

Parallèlement à ses activités professionnelles, il est placé comme réserviste au 5ème groupe d'artillerie à cheval puis au 12ème régiment de cuirassiers. Le 24 décembre 1926, il est promu vétérinaire major.

Dans les années trente, Julien Lafaye est spontanément nommé sous-directeur du lotissement, alors insalubre, de la Cote de Picardie, à Versailles, à l'aménagement duquel il s'est entièrement dévoué et qu'il a mené à bien, relevant ainsi moralement et socialement de très nombreuses familles déshéritées. Parallèlement à cela, il devient vétérinaire officiel du département de Seine-et-Oise et de la ville de Versailles. Il est également vice-président de la section syndicale des vétérinaires de Seine-et-Oise, vétérinaire inspecteur des viandes de Versailles et des communes avoisinantes, membre rapporteur du comité départemental d'hygiène de Seine-et-Oise, secrétaire du comité sanitaire de la région parisienne. En dehors des travaux multiples que lui procuraient ces différentes fonctions, il était tenu par une importante clientèle. Il se préoccupait de l'alimentation des animaux, problème devenu singulièrement angoissant pour certains et il créa des produits nutritifs en utilisant après stérilisation des viandes saisies. Enfin, il était chargé par la municipalité de Versailles de l'étude d'un projet de reconstruction entière des abattoirs de cette ville. Le 7 décembre 1935, il est promu vétérinaire capitaine de réserve.

Le 13 juin 1940, les familles Lafaye et Tarsot, des amis, partent ensemble par la route en exode, aboutissant à Nouziers dans la Vienne. C'est là qu'ils entendent le 17 le discours du Maréchal Pétain, puis le lendemain celui du général de Gaulle. Julien Lafaye ne voit pas encore en Pétain un traître. De Nouziers, ils rentrent à Versailles et le vétérinaire reprend ses activités professionnelles. Dès juillet. le docteur Lafaye répète sans arrêt « qu'il faut faire quelque chose ». Il commence par rédiger des réponses aux articles qu'un de ses confrères versaillais fait paraître dans les Nouvelles de Versailles. Mademoiselle Tarsot se charge de la distribution de ces premiers tracts. Le Dr Lafaye compose également des réponses à des articles et des propos d'un ancien secrétaire d'Henri Haye, ancien maire de Versailles et à ce moment-là ambassadeur de France à Washington.

 

La Résistance

En septembre 1940, après une retraite chez les Dominicains de la rue de la Glacière où il fréquente particulièrement le révérend père Guihaire(2), le docteur Lafaye fonde avec Jean de Launoy(3) un mouvement clandestin qui prend la dénomination de « Vérité Française » et qui se rattachera quelques temps plus tard au réseau du Musée de l'Homme. Comment s'est créé ce groupe ? De juin à août 1940 se mettent en place, spontanément, de petites unités autonomes. D'août à octobre 1940, le réseau du Musée de l'Homme se structure et quatre têtes prennent la direction de quatre secteurs, ce sont les colonels de la Rochère et Hauet, Boris Vildé et Germaine Tillon. Le colonel de la Rochère prend la direction des groupes liés à la Vérité française.

2) Joseph Guihaire est né à le 18 novembre 1891 Ste Anne sur Vilaine (Ille et Vilaine). II est ordonné prêtre à Tournai le 5 août 1923 11 est assigné comme prédicateur à Amiens en 1925, puis à Dijon l'année suivante et enfin au couvent Saint-Jacques, à Paris, en 1932. Pendant l'Occupation, il rejoint le groupe « La Vérité Française » fondé par Jean de Launoy, dont il était le confesseur avant-guerre, et Julien Lafaye. Il publie plusieurs articles dans le bulletin clandestin du groupe. A la suite d'une dénonciation, la Gestapo fait une descente au couvent Saint-Jacques le 25 novembre 1941 et l'arrête. On lui reproche d'être le conseiller moral de l'organisation clandestine et d'avoir mis à son service son influence de prêtre. On l'accuse également d'avoir publié dans la Vérité Française des articles contre la législation anti-juive du gouvernement allemand et sur la conscience chrétienne face au nazisme. Le 30 mai, Joseph Guihaire est condamné à mort. Sa condamnation est suspendue et il est transféré en Allemagne, au camp de Brandenbourg à la fin d'août 1942. Joseph Guihaire y est décapité à la hache le 5 décembre 1942.
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3) Jean de Launoy est né le 7 août 1900.

 

Deux équipes fonctionnent à Paris et à Soissons. Dans la capitale, les principaux animateurs sont Jean de Launoy, Julien Lafaye, Louis Mandin(4), Pierre Stumm, le docteur Delort et le Père Guihaire. Les activités du groupe sont très diverses. Leur but est de favoriser la résistance sous toutes ses formes : recueillir des prisonniers évadés, guider leur passage en zone libre, cacher des réfractaires, organiser des dépôts d'armes et enfin créer un périodique clandestin intitulé « Vérité Française ».

La première publication de ce journal remonte à octobre 1940. Jusqu'au 25 novembre 1941, date de l'anéantissement du réseau, 32 numéros paraîtront, donnant un admirable témoignage d'une foi et d'un courage dont l'ennemi ne viendra jamais à bout. Ce bulletin d'abord dactylographié sera ensuite ronéoté sur une machine hébergée chez Roland Langlois, le garçon de chenil du Dr Lafaye, puis chez la mère de son adjoint le Dr Holstein sur le plateau Montbauron. Les créateurs et inspirateurs du journal semblent être les Pères Guihaire et Chenault. Lafaye est l'un des principaux rédacteurs du journal sous le pseudonyme de FT Nel.

Mlle Tarsot, par ses rapports étroits avec la famille Lafaye, a pu entrevoir d'autres formes de l'activité de Julien Lafaye. Elle sait qu'il a tenté de faire passer à Londres Serge Shaskine, qu'il a hébergé deux jours le mari de Yolande Quilés, prisonnier de guerre évadé et elle est persuadée qu'il était en contact avec Londres. Enfin, elle sait que le Docteur était en contact avec un groupe de Soissons détenteur d'un dépôt d'armes.

En juillet 1941, les Allemands arrêtent le colonel de la Rochère et découvrent sur lui un carnet contenant certains renseignements et notamment l'indicatif suivant : Jean de la Figue, 18 rue Lauriston. Il s'agit du pseudonyme de Jean de Launoy. En août 1941, Jacques Desoubrie, agent double chargé par les Allemands d'infiltrer les organisations de résistance, se rend chez Vogel, un des responsables du groupe de Soissons, muni du mot de passe fourni par les Allemands. Il se présente comme évadé d'une prison allemande et traqué par la gestapo. Vogel l'héberge quelques jours et le met en rapport avec son chef, Daniel Douay, qui le conduit auprès du responsable parisien, Jean de Launoy. Celui-ci ne fit preuve d'aucune méfiance et fit de Desoubrie son secrétaire particulier, poste de choix qui va lui permettre de connaître tous les détails de l'organisation. Chaque jour, il note scrupuleusement tous les renseignements qu'il peut recueillir, consigne des noms, des adresses, des faits précis, constitue sur le compte de chacun un dossier accablant (5).

4) Secrétaire de rédaction au « Mercure de France »,il décède à Sonnenhurg le 29 juin 1443.
5) Desoubrie sera condamné à mort en 1949 par la Cour de justice de la Seine.

 

L'arrestation et la condamnation

Le 25 novembre 1941, au moment où les Allemands pensent ne rien ignorer de l'organisation, 80 arrestations sont opérées tant à Paris qu'à Soissons. Julien Lafaye est arrêté à Versailles le même jour. Hélène Lafaye, sa femme, a témoigné lors du procès de Desoubrie : « Mon mari a été arrêté le 25 novembre 1941, à son domicile, par sept hommes, tous vêtus de l'uniforme de la Gestapo, qui se sont présentés à 6 heures du matin chez moi, et qui se sont retirés après perquisition, en emmenant mon mari. Jacques Desoubry a été admis secrétaire de Louis Mandin à « La Vérité Française » et présenté par ce dernier à mon mari. Il est venu déjeuner à la maison à deux ou trois reprises, en septembre 1941, mais toujours en mon absence car je me trouvais en zone libre. J'ai acquis par la suite la certitude qu'il était le dénonciateur, tant de M. Lafaye que du Dr Holstein, mon mari lui-même l'ayant déclaré à ses compagnons de captivité de la prison de Fresnes, qui, à l'exception du Dr Delort sont tous décédés.»(6)

Julien Lafaye

Toutes les personnes arrêtées sont incarcérées à Fresnes, au secret. Leur procès, dont l'instruction a été continuellement secrète, se déroule du 15 avril au 30 mai 1942 au tribunal militaire allemand de la rue Boissy-d'Anglas. La cour comprenait le président Schling et le conseiller Kessler. Le dossier portait le numéro 96/42: L'avocat de Julien Lafaye, Joseph Haennig, n'est pas autorisé à plaider et un avocat allemand est commis d'office. A l'issue du procès, Lafaye est condamné à mort pour intelligence avec l'ennemi. Il est à noter que le dossier des condamnés à mort fut soumis à Hitler car celui-ci se réservait la confirmation des jugements dans lesquels étaient impliqués des militaires de l'armée française.

Lorsque sa condamnation à mort fut connue dans la ville de Versailles, elle provoqua un véritable état de stupeur. Une pétition circula, qu'une dizaine de personnes portèrent à tous les gens qu'ils connaissaient, pendant trois jours. Tous affirmaient qu'ils étaient émus à l'idée qu'un homme aussi aimé à Versailles pouvait mourir bientôt sous les balles allemandes. Madame Lafaye a eu l'occasion de recueillir en février 1945 le témoignage. écrit d'un collaborateur, emprisonné au moment de la Libération, qui avait lui-même signé la pétition : « entre votre mari et moi il y avait. dès que nous nous rencontrions, de véhémentes joutes politiques. depuis l'occupation allemande, ces conversations étaient devenues des monologues où il exhalait sa haine pour l'ennemi ».

Julien Lafaye émet alors un recours en grâce. Les interventions en sa faveur se multiplient rapidement. De hautes personnalités, même parmi celles que leurs idées pouvaient tenir écartées de l’affaire, se prononcèrent : le Maréchal Pétain ; Otto Abetz, Ambassadeur d'Allemagne à Paris ; Pierre Laval : M. Taittinger président du Conseil municipal de Paris ; M. de Brinon, délégué du gouvernement français dans les territoires occupés ; le Préfet de Seine-et-Oise ; le syndicat des vétérinaires ; les Maires de Versailles. de Mantes-Gassicourt, de Rambouillet ; Sa Majesté la reine du Portugal : le Directeur des services vétérinaires de Seine-et-Oise ; M. Tabord, président fondateur du Trait d'Union, membre associé du groupe collaboration de Paris et du comité de Versailles. Grâce à ces différentes interventions, et principalement de Laval et d’Abetz, la peine capitale est commuée en une peine de réclusion en Allemagne.

6) Archives Nationales,Z6/818

 

La déportation

Julien Lafaye est déporté d'abord à Karlsruhe en septembre 1942 puis quelques jours plus tard à Rheinbach dans le cadre de la procédure et « Nuit et Brouillard », Transféré à Sonnenburg vers la fin octobre 1942(7), il est placé dans une cellule individuelle tout à fait séparée du monde extérieur. Dans les mémoires d'un prisonnier de cette période nous lisons : « La prison de Sonnenburg comprenait trois bâtiments non habitables. Les murs étaient épais, les couloirs étroits et sombres avec des grillages épais qui rappelaient les cachots du Moyen-Age. Les prisonniers étaient coupés du monde. On ne leur permettait pas de lire, ni d'écrire et ils ne pouvaient avoir aucune information de l'extérieur. Il leur était interdit de converser entre eux. Les cellules avaient 1,80 m de largeur sur 1,50 m de longueur. La lumière du jour entrait par de petites ouvertures dans les murs. Evidemment, il n y avait ni eau courante, ni canalisation. En l'espace de deux ans et demi, les prisonniers n'étaient conduits aux douches que trois fois. Les prisonniers étaient rapidement couverts de poux et les cellules pleines de punaises. Ceux qui voulaient se débarrasser des parasites étaient arrosés par l'eau froide et puis exposés au gel. La discipline était terrible. Les surveillants entraient brutalement dans la cellule et battaient les prisonniers pour des raisons futiles, avec des bâtons ou leurs trousseaux de clefs. Les déportés vivaient en état de tension perpétuelle. Le matin, on leur donnait un morceau de pain de 10 cm d'épaisseur pour toute la journée, à midi une soupe de choux, et le soir une tartine et un bol de tisane. »

7) Nous ignorons la date de son transfert mais nous savons qu'il était dans cette forteresse à la date du 14 novembre 1942.

Le 14 novembre 1942, le procureur principal Wutzdorff adresse une lettre au Ministre de la Justice du Reich relative à l'exécution de la sentence prononcée contre plusieurs individus, à savoir les nommés Henri Descamps, Joseph Guihaire, Paul Lafaye. Louis Mandin, André Meurghe et Maurice Moreau, tous condamnés dans le cadre du procès des membres du groupe « La Vérité Française ». Ce courrier est un des rares documents ayant trait au rôle dévolu à la prison de Sonnenburg dans la procédure NN. Cette lettre commence par la formule liminaire que l'on trouve en tête de tous les textes ayant pour objet l'application du décret Nacht und Nebel : « Poursuite des actes délictueux commis à l'encontre du Reich et des forces d'occupation dans les territoires occupés ». L'auteur a reçu du Commandant du Tribunal du Gross-Paris une lettre du 29 octobre 1942 lui demandant d'exécuter la sentence de mort à l'égard de quatre ressortissants français condamnés à mort par le Tribunal supérieur de guerre à Paris, et qui se trouvent incarcéré à Sonnenburg, à savoir les nommés Guihaire, Meurghe, Descamps et Moreaux. Ce courrier stipule en outre que « le commandant en Chef de l’Armée de Terre a suspendu le jugement contre Mandin et Lafaye » et que ceux-ci « doivent être traités comme des prisonniers en réclusion. Toute communication avec le monde extérieur leur est strictement interdite ».

Le magistrat se déclare en désaccord avec cette décision : « Les indications que j'ai obtenues jusqu'à présent sur l'hébergement et le traitement des prisonniers NN venant des territoires occupés ne prévoient pas que nous assumions la tâche d'exécuter la sentence de mort. Je demande donc des éclaircissements. Il me semble tout indiqué, dans tous les cas où il revient à la justice d'exécuter une telle sentence de mort, que cette exécution soit confiée à l'Instance juridique allemande la plus proche du lieu où a été prononcée la condamnation, au lieu de faire transporter d'abord les condamnés dans un lieu désigné pour le maintien de leur incarcération ».

Si toutefois le magistrat était amené a donner son assentiment a la demande du Tribunal Militaire, il ferait conduire les condamnés a la prison de Brandenburg, comme étant celle désignée pour Ies hommes condamnés à mort par les tribunaux militaires de la Wermacht, puis il demanderait au Procureur Principal à Postdam l'application de la peine et ensuite la notification au tribunal ayant rendu la sentence. La magistrat a du s'incliner puisque les quatre individus nommés dans la lettre sont exécutés. On peut supposer qu'étant donné la notoriété de plusieurs de ces condamnés, la commutation de peine n'était qu'un simulacre, destiné à permettre leur suppression loin de tout regard indiscret et sous le couvert du secret absolu qui était la stipulation essentielle du décret Nuit et Brouillard.

Julien Lafaye décède à Sonnenburg le 15 mai 1944 après avoir subi de multiples mauvais traitements. Un jeune étudiant en médecine d'origine russe. Eugène Soumenkoff, a rapporté des détails de sa conduite exemplaire et de sa grandeur d'âme. Il a été ainsi molesté pour avoir refusé de donner des noms lorsqu'il y avait des fautes faîtes autour de lui. Il annonçait à Soumenkoff. après avoir été violemment battu, peu de jours avant sa mort : « cette fois il s'est passé en moi quelque chose de nouveau et je sais que je suis très malade ». Il écrivit également à celui-ci, pour l’encourager à faire sa médecine, un billet que celui-ci a rapporté et remis â Madame I.afaye : « Ame médicale partout. Chercher, découvrir la misère sociale. la misère physique, morale puis soigner, améliorer, prévenir. guérir. Oublier l'homme trouver l'être- Elle ignore la haine. Le médecin est le défenseur de la Vie. Que Dieu te garde ton âme médicale. Vieil oncle. »

ViaIa, compagnon de captivité de Julien Lafaye, écrivait d'Angers le 11 mai 1945 au Docteur Delort : « Monsieur Lafaye est mort aux environs du 20 mai 1944 ( je ne puis préciser la date ) dans sa cellule, il était très fatigué et très amaigri, la solitude de la cellule, l'inaction et l'antipathie des gardiens prussiens jouaient beaucoup sur son moral. Il n'a pas vécu les tragiques épisodes des derniers mois dans les camps tel que Buchenwald, d'où il n'aurait de toute façon pas pu survivre. Il avait comme nous tous une grande confiance en la victoire finale. »

Le 1" décembre 1946, une plaque commémorative a été apposée sur la façade de la clinique vétérinaire de la rue du Parc de Glagny à Versailles.

Julien Lafaye
Souvenez-vous devant Dieu
De
Paul Julien LAFAYE
Docteur-Vétérinaire
Chevalier de la Légion d’Honneur
Croix de Guerre 1914-1918
Médaille de la Résistance
Mort pour la France le 15 Mai 1944
A la prison de Sonnenburg ( Prusse )
A l’age de 64 ans

___________
Mourir n’est rien. Vive la tombe quand le
pays en sort vivant
. ______Paul Déroulède

Sa famille tient à remercier l’auteur de cet article : Fabrice Bourrée.
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet de DVD-ROM sur la Résistance en Ile-de-France (à paraître en 2004).

Sources : Archives nationales, Paris (F60/1573, 41AJ248, 72 AJ 66 et 1911, Z6 818 et 819) – Service historique de l’Armée de terre, Vincennes (dossier individuel d’officier) – Archives famille Lafaye-Latapie-Fontanel– Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (fonds Abbé de la Martinière) – Archives municipales de Versailles – Bundesarchiv Berlin, R 22/2680 (Lettre du Procureur Général Wutzdorff) - Bibliothèque municipale de Versailles (fonds Couderc) - Colette Couvreur et Pierre Descamps, Vie et mort du chef d’escadron Descamps, Paris, Privat, 1968.

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Dernière modification : 04-Mai-2005